vendredi 28 mars 2008

Olivier Martinez et la vieille Dame

Olivier Martinez et la vieille Dame

Voir également sur l'Observatoire des médias pourquoi je trouve ce jugement critiquable...

Préambule
Le droit de la presse
Agrégateurs et blogueurs, même combat !
Conclusion : je n'aime pas Olivier Martinez

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Préambule

La Justice est une vieille Dame. Séculaire. D'aucuns diront avec justesse qu'ancienneté ne signifie pas forcément obsolescence. Certes. Pour autant il est des situations, nombreuses, où l'ancienneté peut altérer la capacité de jugement, c'est le cas de dire. Et le jugement rendu dans l'affaire Olivier Martinez contre Fuzz et les autres défendeurs impliqués en est l'exemple typique.

Un jugement essentiellement motivé par l'absence de législation ad hoc que devrait pourtant garantir un droit "moderne" à ses citoyens.

Nul n'est censé ignorer la loi, paraît-il ! Prenons-en acte. Mais a contrario on ne voit pas pourquoi la loi devrait ignorer impunément les avancées technologiques qui accompagnent quasi-quotidiennement le progrès de nos sociétés en pleine évolution, perpétuelle et rapide. Et s'adapter en conséquence.

Ce serait, me semble-t-il, le corollaire obligé de l'édiction faite au citoyen lambda... qui n'a pas la plupart du temps les moyens de se payer les services d'un avocat pour suppléer aux carences du législateur, alors même qu'il serait légitimement en droit d'attendre de ce dernier qu'il fasse correctement son travail.

Or au lieu de cela, le législateur préfère transférer la responsabilité - et la charge de payer qui va avec - de ses lacunes au citoyen. C'est quand même un peu trop facile...

Inutile de vous dire que je ne suis absolument pas d'accord - mais alors PAS DU TOUT - avec ce que j'ai lu ici, , et là encore, de cette triste affaire.


En fait, j'ai repris la Une de Narvic d'hier car elle cristallisait fort bien tout ce à quoi je suis opposé, et qui ne prouve selon moi qu'une chose : qu'il est d'autant plus urgent que le pouvoir législatif légifère sur une matière particulièrement mouvante - INTERNET - que plus le législateur attend et plus les choses vont s'embrouiller.

Ce que je vais tenter de démontrer.

Avant de commencer, permettez-moi toutefois de préciser que je n'ai rien contre Narvic, nous avons souvent échangé nos avis et j'ai souvent pris le sien comme référence. Mais, dans cette affaire, il se trouve que ses opinions sont emblématiques d'un certain courant de pensée que je souhaite combattre, d'où il s'ensuit qu'en répondant à ses articles je réponds par la même occasion à celles et ceux qui avancent ou avanceront des arguments identiques ou proches des siens.

Ce préambule étant posé, entrons dans le vif du sujet. [Début]

* * *

Le droit de la presse

Maître Eolas, qui vient de consacrer coup sur coup un billet sur la responsabilité des blogueurs et un autre où il propose quelques moyens de défense, nous dit de la liberté d'expression qu'en l'espèce :
... la loi qui s'applique est notre loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, avec les adaptations apportées par la LCEN aux spécificités du support informatique.
Un droit de la presse qu'un journaliste tel qu'Emmanuel Parody trouve « moins ringard et stupide qu’on pourrait le penser », bien qu'il ait « évolué dans un sens discutable (je pense à la diffamation et justement en ce qui concerne le droit à la vie privé, passons…) ».

Un droit vieux de plus de deux siècles est donc censé s'appliquer au tourbillon Internet, ce que Narvic justifie ainsi dans son premier commentaire à mon billet Flux RSS : la jurisprudence en marche... :
Avant de monter de toutes pièces un nouveau régime juridique, qui devra attendre des années avant de se stabiliser à force de nouveaux procès et de jurisprudence, on peut regarder si une adaptation du régime qui existe déjà n'est pas suffisante, et peut se faire à moindre frais pour tout le monde.
Les condamnés apprécieront...

Pour autant, adapter le droit de la presse à Internet, ou mieux, adapter Internet au droit de la presse, signifie de facto vouloir faire entrer le Web dans un cadre juridique bicentenaire, voire le faire s'encastrer de force là où ça craque de partout. Car en réalité c'est bien de cela dont il s'agit : requalifier des faits extrêmements modernes en leur restituant leur "qualification exacte" attribuable à des catégories juridiques complètement dépassées.

Je vous rapporte la définition de ce qu'est, selon Gérard Cornu dans son Vocabulaire juridique, la "qualification" en droit :
Opération intellectuelle d'analyse juridique, outil essentiel de la pensée juridique, consistant à prendre en considération l'élément qu'il s'agit de qualifier (fait brut, acte, règle, etc.) et à le faire entrer dans une catégorie juridique préexistante (d'où résulte, par rattachement, le régime juridique qui lui est applicable) en reconnaissant en lui les caractéristiques essentielles de la catégorie de rattachement.
C'est moi qui graisse : « à le faire entrer dans une catégorie juridique préexistante », quitte à le faire entrer de force !

C'est ainsi qu'on va qualifier un agrégateur ou un blogueur d'éditeur, en forçant allègrement la requalification au seul motif que l’information est organisée en opérant un tri et une hiérarchisation des liens par catégories, ou encore en considérant que « la décision d’agencer les différentes sources permettant à l’internaute d’avoir un panorama général grâce aux différents flux choisis sur un thème bien précis » est bien un choix éditorial.

Le tribunal considérant alors que la décision de s’abonner à des « flux et de les agencer selon une disposition précise et préétablie pour les mettre à disposition des internautes » conférait au webmaster du site la qualité d’éditeur, qui devait donc, de ce fait, « assumer pleinement la responsabilité des informations qui figurent sur son site ».

Un raisonnement pour lequel Pierre Chappaz propose le parallèle suivant :
C'est un peu comme s'ils attaquaient les kiosques à journaux sous prétexte qu'un écrit leur déplaît dans l'un des titres en rayonnage.
Poussons même plus loin l'analogie : imaginons qu'une info jugée diffamatoire ait été reprise en couverture d'un magazine people vendu en kiosque. Est-ce qu'il viendrait à quiconque l'idée d'attaquer tous les kiosquiers au motif qu'ils auraient aidé à diffuser l'actu ?

Et est-ce qu'il viendrait aux juges l'idée de donner raison au plaignant en condamnant tous les kiosquiers au motif qu'en décidant d'agencer sur leurs présentoirs lesdits magazines « selon une disposition précise et préétablie pour les mettre à disposition des » passants, ils seraient qualifiables d'éditeurs ?

Et par là même que ce choix de présentation de l'info par les kiosquiers serait un choix éditorial ? D'où il s'ensuivrait que les kiosquiers devraient donc, de ce fait, « assumer pleinement la responsabilité des informations qui figurent sur » leur présentoir ?

Absurde, n'est-ce pas ? Et bien pourtant, c'est très exactement ce que les juges viennent de décider, tant dans l'affaire Olivier Martinez contre Fuzz que dans celle d'Olivier Dahan contre lespipoles.com. [Début]

* * *

Agrégateurs et blogueurs, même combat !

L'agrégateur agence des flux. OK. Idem pour le blogueur lorsqu'il décide d'agrémenter son blog de flux dans le seul but de fournir une information plus riche et complète à ses lecteurs.

Concrètement, les flux sont mis à jour et défilent automatiquement sans aucune possibilité pour l'agrégateur ou le blogueur d'intervenir dessus. Sauf à les supprimer, on est bien d'accord.

Donc imaginons que j'ai un blog people et que les flux qu'il affiche soient alimentés en continu et en automatique par un site qui va balancer, au milieu de centaines d'autres infos, une actu jugée diffamatoire.

Ce flux va s'afficher à un moment donné sur mon blog, et je ne le saurai ni ne le verrai car je n'ai pas l'œil rivé sur mes widgets de flux 24h/24. Par contre l'huissier qui va faire une recherche googlesque pour collecter son matériel à charge va tomber dessus et faire une belle capture d'écran.

Me voici donc juridiquement responsable de diffamation. Sans le savoir. Sans en être à l'origine. Non. Juste juridiquement responsable en tant qu'éditeur de l'info. Par quelle argutie ? Allez savoir ! Une info que je n'ai même pas vu passer, et qui ne sera affichée probablement que le temps de la capture d'écran par l'huissier, avant d'être chassée de mon blog par les mille autres infos qui poussent au portillon...

Voici pourquoi j'estime qu'est menacée la liberté d'expression formidable qu'autorise le Web 2.0.

Et que nul ne me fasse dire ce que je ne dis pas !

Car je ne dis ni ne pense que la liberté d'expression doit consister à dire n'importe quoi, mais simplement qu'il est impensable que je sois qualifié d'éditeur pour un contenu qui échappe totalement à mon contrôle.

De plus j'aimerais qu'on me dise quelle est véritablement la qualification légale de l'éditeur !? La seule définition que j'ai trouvée est énoncée à l'article 48 de la Loi n° 57-298 du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire et artistique :
Le contrat d'édition est le contrat par lequel l'auteur d'une œuvre de l'esprit ou ses ayants droit cèdent à des conditions déterminées à une personne appelée éditeur le droit de fabriquer ou de faire fabriquer en nombre des exemplaires de l'œuvre, à charge pour elle d'en assurer la publication et la diffusion.
Idem pour l’article L 132-1 du Code de la propriété intellectuelle, qui reprend cette définition mot pour mot.

Or, sauf erreur de ma part, j'ai cherché la définition juridique de ce qu'est un éditeur dans la Loi n°1881-07-29 du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et je ne l'ai pas trouvée. Je l'ai également cherchée dans la Loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, et je ne l'ai pas trouvée non plus. Voici d'autres détails.

Qu'on me dise donc où chercher ! Et qu'on me dise par la même occasion en quoi un simple flux est-il différent des « analyses et courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d'information de l'œuvre à laquelle elles sont incorporées » qu'autorise explicitement, entre autres, l’article L 122-5-3° du Code de la Propriété Intellectuelle ? [Début]

* * *

Conclusion : je n'aime pas Olivier Martinez

Ce n'est ni une diffamation ni une injure, juste un état de fait. Motivé « parce qu’il est procédurier, qu’il n’attaque pas les bonnes cibles » et qu'il met en grande difficulté des gens tels que Laurent ou Stéphane Larue, dont le seul tort aura été de laisser s'afficher à leur insu le mauvais flux au mauvais moment sur leur site.

C'est d'ailleurs à eux qu'un blogueur tel que Vinvin devrait aller expliquer pourquoi il aime tant Olivier Martinez...

Et si je suis d'accord pour dire qu'il est inutile, puéril ou contre-productif et tout ce que vous voulez de s'attaquer à la personne d'Olivier Martinez, je ne pense pas non plus qu'il faille s'acharner sur les blogueurs qui l'ont fait en les traitant de débiles ou de crétins. La réponse est maladroite, certes, mais elle est à la hauteur du défi. Proportionnée, de ce point de vue.

Eric Dupin, à qui on a posé la question « On a vu sur les blogs un nombre affolant de billets appelés J'aime pas Olivier Martinez (...) mais ce genre de mouvement est-il vraiment bon ? », revient par deux fois sur le sujet dans le chat sur 20Minutes :
Je ne peux pas répondre à la place des centaines de blogueurs qui ont lancé des initiatives personnelles contre le plaignant. Je n'approuve pas forcément mais je ne peux que saluer un mouvement qui dépasse largement le cadre de l'affaire qui me concerne. Les internautes, blogueurs et tous les petits éditeurs web se sentent légitimement et indirectement visés par cette assignation et la force de l'attaque. C'est normal qu'ils réagissent de cette façon même si cela peut paraître parfois un peu excessif. Je ne leur jetterai pas la pierre quoiqu'il en soit.
(...)
C'est la réponse du berger à la bergère, le gars attaque le web, le web lui répond à sa manière en lui montrant que ce genre de comportement peut davantage nuire à son image que la protéger.
C'est très exactement le fond de ma pensée, et la conclusion de ce billet. [Début]


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P.S. Je suis sûr que les bons sentiments des âmes nobles et autres redresseurs de tort jugeant ces condamnations justifiées - soi-disant parce que les agrégateurs/blogueurs sont responsables des flux qui s'affichent sur leur site - fondraient comme neige au soleil si la même chose leur arrivait...

Quant « à civiliser l’univers pour l’instant sauvage du Net », soyons persuadés que les "civilisateurs" ne manqueront pas !

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jeudi 20 mars 2008

Olivier Martinez, l'acteur le plus en vue du moment

Olivier Martinez, l'acteur le plus en vue du moment

J'aime pas Olivier Martinez, et encore moins lorsque je lis des commentaires tels que celui de Laurent :
Bonjour.

Je suis le webmaster de http://www.CroixRousse.Net : un site portail sur mon quartier, avec diverses infos pratiques (horaires, pharmacies de garde, trafic routier, …) et culturelles (les expos, les concerts, …).

Je gère ce site de façon bénévole (même si j’essaie de le rentabiliser avec un espace pub, qui ne rapporte rien pour le moment).

J’ai rajouté un espace NEWS, dans lequel je récupère les flux rss d’articles de différents sites (LCI, Yahoo, Metro France, etc …) qui sont déposé automatiquement dans 4 catégories (Lyon, France, Sport et People).

Ainsi mes visiteurs peuvent en un coup d’oeil voir les dernieres news et cliquer dessus pour accéder à l’article complet (je précise que n’est hébergé sur mon site QUE le titre de l’article et la première phrase avec un bouton suite).

Ayant affiché la même news que Presse-Citron (en provenance d’un site qui affichait toujours l’article complet mercredi), j’ai reçu mercredi matin la même assignation d’un huissier (même défendeur, même montant, même date).

Mon site a moins de 1000 visiteurs/jour. La news a été vue 16 fois (dont ? fois par le huissier de la partie adverse)
Comme moi, nous sommes plusieurs milliers à utiliser des flux rss sur nos différents sites.

Je pense donc que nous sommes plusieurs centaines (peut-être milliers ?) à avoir reçu cette assignation.

Si vous connaissez des sites/blogs qui sont dans le même cas, merci de me contacter (ou Presse-Citron) : cela peut être intéressant de croiser nos expériences, voir nos buzz.

J’ai déjà trouvé 3 sites, mais il est difficile de savoir (par exemple sur mon site, il n’y a rien qui l’indique). La meilleure façon est le bouche à oreille. Je vais poster cette news sur différents sites afin d’avoir des retours d’infos. Encore merci à tous de votre soutien.

laurent@croixrousse.net
À la lecture duquel une seule question me vient à l'esprit : qui diffame qui ?

Et vous, qu'en pensez-vous ?

En tout cas, Olivier Martinez, l'acteur français le plus en vue du moment, fait l'unanimité autour de lui.

Seule conclusion possible, suivre et relayer l'idée de Lucie :
si, au lieu de faire du Google Bombing et des jeux en flash, nous allions signifier notre désaccord tous ensembles devant le Tribunal à Paris, le 26 Mars prochain ?
Depuis Rome, c'est pas trop possible, mais ce serait vraiment une occasion unique pour les blogueurs de donner voix et visibilité à leur parole, pour se faire entendre fort et loin ... IRL : in the real life, dans la vraie vie, quoi.

Que tout ça arrive aux oreilles d'Olivier Martinez et de tous ceux qui pensent comme lui, d'une part.

Des juges et du législateur, de l'autre, pour qu'ils s'interrogent enfin sérieusement sur quel sens donner à la législation et la jurisprudence en marche...




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[MàJ - 15h20'] Je ne pense pas qu'une manifestation de blogueurs devant le tribunal pourrait « engendrer une impression négative sur le juge en charge de l’affaire Fuzz… » ou qu'il s'agisse là d'une façon « vindicative de parler de ce sujet tant qu’il est encore “chaud” »…

Il s'agit plus simplement de combattre un abus, un peu comme pour l'affaire Dating Watch, même si c'était pour d'autres raisons. Voir mon commentaire sur le blog de Lucie :
Je crois plutôt qu’il faut surfer sur la vague de popularité que prend cette affaire pour saisir une occasion unique pour les blogueurs : celle de se faire entendre !

Imagine qu’il y ait ne serait-ce qu’un millier de blogueurs devant le tribunal, c’est une visibilité assurée et pas seulement sur le Net, mais aussi à la télé, dans la presse, etc.

Car comme le dit fort bien Emmanuel Parody : “Sur cette affaire, bien sûr que c’est injuste, au cas par cas, mais l’intérêt apparent des blogueurs sert des intérêts économiques plus puissants.
A l’inverse ils font les frais d’un besoin de jurisprudence qui en réalité ne les visent pas.”


Donc aujourd’hui c’est machin, demain ce sera trucmuche et d’autres blogueurs, etc.

Par conséquent profiter d’un mouvement de fond qui s’amplifie (encore 6 jours, une éternité sur Internet), c’est une occasion unique d’exprimer une présence et une position avec lesquelles il faudra compter, et cela va bien au-delà du seul Eric Dupin.

Car comme le montre le témoignage dans mon billet, de même que ça tombe sur un Eric Dupin qui est connu sur le Net, ça tombe aussi sur 10 autres blogueurs dont personne n’entendra jamais parler.

Par conséquent c’est pour ceux-là, aujourd’hui et demain, que ça vaut le coup de manifester.

Et cette fois, AMHA, mieux vaut presser le citron jusqu’à la dernière goutte…
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Commentaires anonymes sur Adscriptor

Commentaires anonymes sur Adscriptor

Une brève piqûre de rappel pour celles et ceux qui me laissent des commentaires anonymes. Chacun/e a ses raisons de préférer l'anonymat et je n'ai absolument rien à redire là-dessus.

S'ils sont élogieux ou neutres, ça ne mange pas de pain, en ce sens que je ne suis pas obligé d'y répondre.

Mais lorsqu'un anonyme a pour tout commentaire "ce billet est nul à chier" ou autre gentillesse du même acabit, qu'il ou elle ne s'étonne pas de ne jamais le voir apparaître sur mon blog.

Chacun/e a le droit d'être con, et je n'entends certes pas vous nier ce droit. Ou cette liberté, si vous préférez. Les intéressé(e)s se reconnaîtront.

Mais sachez que pour pouvoir lire un commentaire du genre "ce billet est nul à chier" sur mon blog, il vous faudra réunir deux conditions sine qua non :
  1. Signer votre message, sans quoi vous me réfutez par avance mon droit de réponse. Or si je dois répondre à quelqu'un, je prétends savoir à qui !
  2. Argumenter votre message : dire d'un article qu'il est nul à chier, c'est bien beau, mais encore faut-il expliquer pourquoi, étayer son avis par des arguments... convaincus (ce qui ne devrait pas vous être très difficile...).
Donc celles et ceux qui penseront ça de mes billets sans motiver leur opinion ni assumer nommément la responsabilité de leur propos n'ont qu'à aller chier seuls dans leur coin, c'est pas moi qui irais les déranger. J'ai un bon milliard de choses plus constructives à faire.

Mais je peux vous certifier que ma prose a d'excellentes propriétés laxatives. À tel point que la lecture de ce blog devrait être prescriptible, voire remboursable. Ça ferait même un bon slogan : Adscriptor, le blog qui favorise le transit intestinal... :-)


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P.S. Je viens de découvrir par le plus grand des hasards qu'Additious est totalement OUT ! Quelqu'un a de plus amples détails ? Est-ce temporaire ou définitif ?

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mardi 18 mars 2008

Flux RSS : la jurisprudence en marche...

Flux RSS : la jurisprudence en marche...

Mais où et jusqu'où va-t-elle aller, c'est une autre affaire ! À suivre...

En attendant, je voudrais essayer :
  1. de dégager les conceptions qui s'affrontent
  2. d'expliquer ce que sont les flux RSS
  3. de donner mon avis sur la question
Pour conclure...


1. Les conceptions qui s'affrontent

En gros, je les résumerais par deux citations provenant "des camps opposés".

L'une de Pierre Chappaz :
Nous assistons en ce moment à la multiplication des actions en justice contre les services Internet de diffusion de flux RSS. Certaines "stars", peu au fait de la technologie, et conseillés par des avocats sans doute plus habitués à s'attaquer à la presse people, s'en prennent aux aggrégateurs et moteurs de recherche Internet à qui ils reprochent de véhiculer des rumeurs publiées dans le flux RSS de tel ou tel site indexé. C'est un peu comme s'ils attaquaient les kiosques à journaux sous prétexte qu'un écrit leur déplaît dans l'un des titres en rayonnage.
L'autre de Guillaume Narvic :
La loi ne reconnaît en revanche aux blogueurs, éditeurs, journalistes, et à tous les autres qui publient en ligne, aucun droit de publier n’importe quoi et de le laisser en ligne tant que personne ne demande gentiment de le retirer. C’est tout de même pas aux victimes que revient le boulot de faire le ménage après coup ! C’est à l’éditeur de ne pas publier des choses condamnables.

Dans cette affaire, je n’entends personne rappeler qu’il y a quelqu’un qui se plaint d’avoir été victime qu’on a colporté des ragots à son sujet sur internet.

M... à la fin ! Que ceux qui colportent des ragots assument leur responsabilité ! Car c’est bien d’un colportage de ragots qu’il s’agit à l’origine, non ?
[Début]


2. Que sont les flux RSS ?

Rassurez-vous, je ne vais pas me lancer dans des explications oiseuses, mais comme je voulais approfondir la question, j'ai été voir chez les anglo-saxons ce qu'ils en pensent. Et j'ai déniché un texte fort intéressant, signé Jonathan Bailey et publié le 13 mars sur le site European Journalism Center, qui m'a gentiment accordé l'autorisation de le traduire. Ça s'intitule tout simplement ... Really, simple syndication :
Really Simple Syndication, ou RSS

Le RSS est à double sens. En mettant votre contenu au format RSS, les internautes peuvent accéder plus facilement à votre travail et être au courant de vos actus et vos derniers articles. De même, les autres contenus en forme de flux RSS vous simplifient la vie pour incorporer ces flux sur vos pages.

Toutefois, le simple fait qu’une chose soit facilement réalisable au plan technique ne signifie pas pour autant qu'elle soit éthique, voire légale.

Car si le geste de prendre les contenus RSS de quelqu'un pour les coller dans votre site sans son autorisation peut vous sembler futile, cela n’en soulève pas moins des questions juridiques, voire des clameurs de protestation du côté du public.

Heureusement, il y a des manières à la fois éthiques et légales d'intégrer un flux RSS sur son site, et si cela est fait correctement, les fils RSS peuvent s’avérer un outil précieux pour aider au développement de votre site et fournir à vos lecteurs des informations précieuses. Il suffit d’être attentif à ne pas franchir la ligne jaune.

Pourquoi le RSS peut-il être dangereux ?

La syndication est problématique car s'il est facile de republier du contenu, la plupart de ceux qui mettent à disposition un flux RSS le font sans intention de voir leur contenu republié sur d'autres sites. Les fils RSS étant essentiellement destinés à être utilisés par les internautes de façon privée, qu’ils consulteront dans un lecteur RSS tel que Newsgator.

Ces lecteurs sont conçus pour permettre aux utilisateurs d'afficher de manière organisée du contenu en quantité, d’où collecter du matériel provenant d'un grand nombre de sites.

Cependant, la plupart des lecteurs ne prévoient pas de mettre tout ce contenu à la disposition des autres internautes sur le Web. À l’opposé, en règle générale les contenus d’un flux RSS ne sont disponibles qu’aux abonnés à ce flux.

Or certains sites font ce qu’on appelle du râtissage, en s’accaparant les contenus RSS pour les republier ; ils sont souvent désignés comme des sites à spam ou des splogs (spam blogs).

Il n’y a pour l’instant ni législation ni jurisprudence sur la question. Même si l’on estime généralement que cette republication est une violation des droits d'auteur. Des milliers de slogs sont fermés chaque année pour ce motif. Les webmasters, et en particulier les journalistes, tolèrent rarement ce genre de râtissage, qui permet de crée une copie quasi-parfaite du contenu original. Ce qui peut également pénaliser le site original autant en termes d'audience que de positionnement dans les résultats des moteurs de recherche.

En outre, les utilisateurs préfèrent largement voir le contenu sur son site d'origine et soutenir l'auteur original.

En bref, republier un flux RSS sans autorisation est non seulement un moyen d’aller au devant d’ennuis juridiques, mais également d’irriter les lecteurs.

Les Unes régulièrement mises à jour

Donc, pour utiliser le RSS de manière efficace et sécurisée, il est important d’observer que la puissance de la technologie RSS réside moins dans le contenu ainsi redistribué que dans son pouvoir d’alimenter constamment le lecteur en nouveautés.
En gardant cette problématique à l’esprit, la façon la plus sûre d'inclure des contenus RSS sur votre site est de les embarquer dans un widget n’affichant que les Unes.

Ces widgets sont de petites “boîtes” généralement situées dans la partie latérale de navigation de la page, ne reprenant que les titres provenant des sites ciblés.
Cette liste est régulièrement mise à jour en cours de journée, au fur et à mesure que le site cible fournit de nouveaux contenus.

Donc, en n’utilisant que les titres, qui ne sont pas protégés par le droit d'auteur dans la plupart des pays, ces widgets évitent bon nombre de problèmes légaux – liés aux droits d'auteur – que soulève en revanche la republication totale ou partielle de contenu dans les flux RSS. De plus, en ne fournissant qu’un lien vers le site originel, les lecteurs sont redirigés en toute transparence vers la source de l’article.

D’une manière générale, les webmasters sont plutôt contents que leurs flux RSS soient ainsi utilisés.

Cela crée des liens actifs vers leur site et encourage les utilisateurs à cliquer pour aller voir l'intégralité du contenu.

Parmi les principaux organes de presse, certains acteurs majeures, dont Reuters et Associated Press, préconisent activement cette forme d'utilisation, tandis que d'autres, comme le New York Times, fournissent même le code HTML pour faciliter le processus.

Cela ne veut pas dire que tous les sites approuvent ou encouragent ce type d'utilisation de la syndication de contenu. Mais il s'agit d'une pratique largement acceptée sur le Web, ayant l’aval de nombreux acteurs concernés. Certains sites individuels peuvent encore s'opposer à cette utilisation des flux d’abonnement, aussi est-il toujours préférable d'obtenir une autorisation préalable.

Et même si bon nombre de problèmes juridiques sont déjà résolus, un conflit avec d’autres journalistes ou des organes de presse ne débouchera jamais sur rien de bon.

Contrôler le contenu

Un autre problème lié à la publication des Unes provenant de flux RSS, c'est que le contenu affiché sur votre page passe entièrement sous le contrôle du site « partenaire ».

Ce qui pourrait conduire votre site à promouvoir sans le savoir du matériel répréhensible ou douteux. Voilà pourquoi beaucoup souhaitent mieux contrôler le contenu qu'ils syndiquent, soit en sélectionnant manuellement les articles soit en puisant à des sources multiples.

Pour faire le tri des Unes à mettre en avant dans votre widget, il vous faudra d'abord utiliser un lecteur de flux tel que Google Reader, qui vous permet de sélectionner ce que vous aller publier dans le flux. Vous pouvez ainsi vous abonner à toutes les sources que vous voulez, pour ne sélectionner ensuite que celles que vous souhaitez partager.

À partir de là, le widget de votre site n’affiche que les éléments choisis, de même que pour n'importe quel autre flux RSS.

Le résultat est que vous contrôlez les articles et billets affichés sur votre site, en veillant à ce qu’ils soient pertinents et pas hors sujet par rapport à votre ligne éditoriale.

Pour combiner les flux provenant de sources multiples, vous devez utiliser un outil comme RSS Mix ou Feedroll, capable de fusionner en un seul des flux multiples.
Ensuite, n'importe quel parseur RSS vous permet de lire les flux mixés et votre site inclura automatiquement les titres de toutes les sources que vous aurez choisies.

Et bien que ces deux options soulèvent encore moins de questions éthiques ou légales que d'autres formes de syndication, gardez à l’esprit qu’il est toujours préférable de demander ou d'obtenir l'autorisation avant d'utiliser le contenu d'un autre site. Heureusement, ce faisant, rares sont les cas où vous risquerez une contestation, s’il y en a.

Conclusion

La syndication de contenu, lorsqu’elle est faite comme il se soit, peut s’avérer un excellent moyen de présenter du contenu relatif à votre site sans devoir l'écrire. C’est aussi un service rendu au lecteur, en lui permettant d'en savoir plus sur votre site, et un soutien apporté aux organes d'information en faisant la promotion de leur travail en direction d’un nouveau public.

En clair, tout le monde en bénéficie.

Et bien que vous n'aimeriez sûrement pas qu’un flux RSS concurrent apparaisse sur votre site, il reste certainement des marges de manœuvre pour coopérer avec les journalistes, en particulier pour les publications de niche dans des domaines pointus  : les flux RSS offrent un excellent moyen de capitaliser sur ce type de contenu.

Donc si vous ou votre entreprise ne mettez pas encore cet outil à disposition, il est l’heure d'en envisager l'utilisation. De même, si vous n'êtes pas encore abonné à des services de syndication, c'est le moment idéal de rechercher des partenaires avec qui collaborer dans ce domaine.
Jonathan Bailey, que je remercie, a 27 ans et vit en Nouvelle-Orléans. Webmaster du site Plagiarism Today, il est diplômé avec mention en journalisme et mass médias de l'Université de Caroline du Sud. Il est également concepteur-rédacteur, spécialisé dans la pub, le graphisme et « tout ce qui lui sert à payer ses factures ». Il s'intéresse de près au plagiat, qu’il traque et combat depuis qu’une proportion importante de sa création littéraire a été plagiée. Adscriptor aussi a déjà abordé la question du plagiat... [Début]


3. Mon avis sur la question

Ce billet fait naturellement suite aux affaires qui se succèdent depuis quelques semaines, et dont tout le monde a déjà eu l'écho ici ou .

Réflexion relancée par l'affaire Fuzz d'Eric Dupin, dont le jugement en référé est attendu demain.

Avant tout, il y a une infinité de billets et de commentaires à lire sur la question, qui fait couler beaucoup d'encre, et ce n'est pas fini. Je me limiterai à vous signaler ceux d'Emmanuel Parody et de Guillaume Narvic. Mais déjà, si vous suivez les liens de ce billet et les liens de ceux vers lesquels il pointe, ça va vous faire de la lecture...

Dans ces affaires de flux RSS, je vois quatre aspects formels :
  1. le titre du billet/article repris dans le flux 
  2. le contenu présenté dans le flux, extrait ou totalité 
  3. la nature de ce contenu 
  4. comment et par qui est relayé ce contenu.
1. Le titre du billet/article repris dans le flux

Il me semble que l'article de Jonathan est suffisamment clair sur ce point : « En n’utilisant que les titres, qui ne sont pas protégés par le droit d'auteur dans la plupart des pays, ces widgets évitent bon nombre de problèmes légaux – liés aux droits d'auteur – que soulève en revanche la republication totale ou partielle de contenu dans les flux RSS.
(...)
Cela ne veut pas dire que tous les sites approuvent ou encouragent ce type d'utilisation de la syndication de contenu... aussi est-il toujours préférable d'obtenir une autorisation préalable.
 »

2. Le contenu présenté dans le flux, extrait ou totalité

Republier un contenu in extenso est clairement assimilable à une violation du droit d'auteur. Mais quid des snippets, ces extraits d'une ou deux lignes qui ont fait la fortune des pages de résultats selon Google ?

Pourquoi ne pas les assimiler simplement à de "courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration", chose qu'autorise le code de la propriété intellectuelle, aux termes de l'article L. 122-5, (2° et 3°a) ?

Ce qui ferait que la publication d'un flux ne reprenant que le titre et une courte citation d'un billet/article serait tout à fait légale.

Encore mieux après demande et obtention d'une autorisation préalable, certes.

3. La nature du contenu

Narvic est particulièrement remonté contre le colportage de ragots et se range du côté de la loi, « qui ne reconnaît en revanche aux blogueurs, éditeurs, journalistes, et à tous les autres qui publient en ligne, aucun droit de publier n’importe quoi et de le laisser en ligne tant que personne ne demande gentiment de le retirer. C’est tout de même pas aux victimes que revient le boulot de faire le ménage après coup ! C’est à l’éditeur de ne pas publier des choses condamnables. »

OK. Toute la question étant alors de savoir si un agrégateur tel que Wikio ou Fuzz est un éditeur. Or que je sache, l'éditeur est celui qui est censé "éditer" un contenu, intervenir dessus et prendre par conséquent la responsabilité de son intervention au moment-même où il intervient.

4. Comment et par qui est relayé ce contenu ?

Ce qui précède ne me semble être ni le cas de Wikio, qui référence chaque mois "4 millions de résumés d'articles", ni celui de Fuzz, à qui seule la présence d'un lien semble être contestée.

Or les Conditions générales d'utilisation de service du site (qui ne sont pas en ligne aujourd'hui mais que j'avais sauvegardées) paraissaient très claires à ce sujet :
Article 2 : Champs d'application

En s'inscrivant sur le site FUZZ.FR et en utilisant les services offerts, Le Membre déclare utiliser les services de FUZZ.FR en accord avec le droit applicable et les présentes conditions générales.

Article 4 : Description du service

FUZZ.FR met à la disposition gracieuse des Membres le site FUZZ.FR, spécialisé dans l'agrégation de liens internet d'informations générales,...

Article 6 : Obligations / Responsabilité de l'Utilisateur / Utilisation du Service

En particulier il est interdit sur les pages de FUZZ.FR :

- d'utiliser des œuvres qui sont protégées par des droits d'auteur sans autorisation expresse de l'auteur ou de la personne qui en possède le droit d'exploitation...
- de diffamer, d'insulter ou de menacer autrui;
- d'insérer des bannières publicitaires autres que celles affichées par FUZZ.FR;
- de diffuser des pages dont le contenu est illégal;
- de diffuser des pages dont le contenu ou la forme est pornographique;
- d'inciter à commettre des crimes et délits ou à y participer;
- d'atteindre au droit à l'image ou à la personne de qui que ce soit;
- de faire la promotion de services à but lucratif;
- d'insérer des liens hypertexte pointant vers des sites en vue d'en faire ouvertement et délibérément leur publicité...
[Début]


Pour conclure...

Vu tout ce qui précède, je ne peux que répéter ici mon commentaire d'utilisateur lambda qui raisonne uniquement à l’intuition :
Comment peut-on appliquer le soi-disant “droit de la presse” à Internet ?

C’est-à-dire : pourquoi appliquer sans aménagements un droit qui doit remonter à deux siècles (je dis ça au pif, mais disons qu’il est plus tout jeune) à Internet et au Web, qui n’ont absolument plus rien à voir avec la presse telle qu’elle a existé ?
Tous ces procès me paraissent d’un autre âge, dépassés, tout ce que tu veux, à l’instar de ce qui se passe pour l’industrie musicale qui voudrait bien pouvoir faire comme avant…

Je sais que très probablement les choses ne sont pas si simples que ça, tout n’est pas noir ni blanc, mais en l’espèce, pourquoi ne pas prévoir un mécanisme en vertu duquel la personne s’estimant lésée adresse un avis préalable, pour n’engager une procédure qu’en cas de refus de retirer la source du problème.

Je suppose que si les personnes concernées avaient dit à lespipoles ou à Eric Dupin d’enlever ces liens, ils l’auraient fait volontiers à l’instant même.

Donc tout ça, de la part des plaignants, ça se résume très probablement à saisir l’occasion - sans vergogne ni scrupules - de se faire un max de blé sur le dos de deux blogueurs, ou, pour reprendre les mots d’Eric, à écraser une puce avec un marteau.
La réponse d'Emmanuel est très pertinente, certes, mais je persiste à penser que le "droit de la presse" en l'état n'est adapté ni à Internet ni aux spécificités techniques introduites par le Web, et encore moins au Web 2.0, dont le lien hypertexte et la circulation de l'information sont la lymphe vitale.

Espérons donc que la jurisprudence destinée à se mettre en place ira dans le bon sens, sous peine de régresser au lieu de progresser. Ce qui ne serait pas la première fois en droit...

Dès demain, nous aurons un signe de la sensibilité des juges en matière de Droit Internet ! [Début]


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samedi 15 mars 2008

Scoop Adscriptor - Bloc contre bloc, l'internaute au centre...


Pourquoi Microsoft ne renoncera jamais à Yahoo!, et pourquoi Google craint-il cette fusion ?

* * *

1. Background
2. « Data transmission events » : les événements qui déclenchent la collecte de données "privées" sur les internautes...
3. Analyse de l'étude New York Times / comScore
- Le scoop d'Adscriptor

4. Analyse des écarts chiffres/tableaux
5. La part de DoubleClick dans Google / La part de Yahoo! dans Microsoft
6. Comparaison Microsoft + Yahoo! / Google + Doubleclick
7. Conclusion
* * *

1. Background
Facebook à part, mon scénario de guerre froide est en passe de se réaliser. Depuis près de deux ans, je n'ai perdu aucune occasion d'évoquer l'acquisition de Yahoo! par Microsoft, y compris quand personne d'autre n'en parlait, notamment en faisant remarquer dans une analyse de GYM :
Google « caracole en tête, les deux autres suivent, tant bien que mal. Une troisième place qui n'est certes pas dans la nature de Microsoft. »
Chose explicitement confirmée par Microsoft, quelques mois plus tard en programmant le plan "10, 20, 30, 40" :
  1. 10% des pages vues, contre 6% actuellement ;
  2. 20% du temps passé par l'internaute sur les sites de Microsoft, contre 17% actuellement ;
  3. 30% des parts de marché dans la recherche, contre moins de 10% actuellement ;
  4. 40% des parts de marché dans la publicité en ligne, contre 6% actuellement.
Ce que je commentais de la façon suivante :
...si les 2 premiers points ne semblent pas irréalisables, les 2 derniers posent problème. Un gros problème !
Côté publicité, je ne sais pas si l'acquisition d'aQuantive ou le partenariat avec Facebook vont suffire à M$ pour réaliser ses ambitions, à savoir encaisser 40 cents sur chaque dollar de pub dépensé en ligne, mais à la lumière de certaines analyses, c'est pas gagné d'avance...
Quant aux 30% des parts dans la recherche sur Internet, en l'état actuel des choses, ça paraît franchement hors de portée pour Microsoft. À moins de racheter Yahoo!...
Nous y sommes ! Or nous allons voir combien l'acquisition de Yahoo! est cruciale pour Microsoft, moins dans la recherche que dans la publicité, et moins encore dans la publicité que dans le ciblage comportemental.
J'ai déjà tenté d'analyser ce qu'est le ciblage comportemental, sommairement pour Facebook, et de manière beaucoup plus détaillée pour Google : dans la longue analyse que j'ai consacré en 2006 à la stratégie de Google (qui n'a pas bougé d'un pouce), notamment dans la description de l'approche 100% fichés, où je concluais ainsi :
Par conséquent dans cette logique, à terme plus ou moins rapproché, la prochaine étape consistera très probablement à s’éloigner de la catégorisation des annonces pour passer à leur individualisation. En bref :
fini les AdSenses ciblés, vive les AdSenses personnalisés !

Une (r)évolution qui me semble inéluctable, vu les ambitions affichées par Google : à partir du moment où la firme possède une énorme quantité d’informations sur vous et peut en extraire un profilage systématique et significatif, qu’est-ce qui l'empêchera de vous proposer des AdSenses en fonction de vos préférences ?
Ensuite dans Google, profileur en série, où j'essaie d'expliquer pourquoi sur Internet, la gratuité n'est pas gratuite, mais que sa contrepartie est la collecte de données personnelles, avec comme pendant "naturel", le profilage...
Ceci dit, jusqu'à aujourd'hui, toutes ces analyses n'étaient que des conjectures, vraisemblables certes, mais sans "données réelles" pour les étayer. Or maintenant nous disposons d'un échantillon significatif de ces fameuses données, grâce à une étude commanditée à comScore par le New York Times, dont Louise Story nous raconte ... l'histoire ! [Début]
* * *

2. « Data transmission events » : les événements qui déclenchent la collecte de données "privées" sur les internautes...
Permettez-moi tout d'abord de féliciter les équipes qui ont voulu, conçu et mené à bien cette étude, cruciale pour comprendre les véritables enjeux - économiques, mais surtout de pouvoir - qui se cachent (pas tant que ça quand même) derrière les grandes manœuvres auxquelles on assiste en ce moment, et ce n'est que le début...
Dans la suite du billet, je ne parlerai que d'événements pour abréger, mais à chaque fois il faudra bien comprendre qu'il s'agit d'événements déclenchant la collecte de données "privées" sur les usages de l'internaute. Citons, à titre d'exemple, les données collectées :
  • lors des recherches de l'internaute ;
  • lors de ses achats ;
  • lorsqu'il clique sur une pub ;
  • lorsqu'il s'enregistre sur un service ;
  • grâce aux cookies, etc.
Tout ça permettant à qui les possède en bout de chaîne d'obtenir des informations précises sur nos habitudes, nos intérêts, et ainsi de suite. Le graal des publicitaires et des marketers de tout poil, en quelque sorte !
On pourra toujours s'interroger pour savoir si ces données sont collectées à notre insu ou non, bien que je me demande franchement quel internaute naviguant régulièrement sur Internet ne serait pas encore au courant !?
Par ailleurs, menée aux États-Unis en décembre 2007 sur le trafic imputable aux quinze plus gros acteurs américains de l'Internet, je ne doute pas que les résultats de l’étude puissent être extrapolés au Web mondial, puisque de toute façon la tendance est irréversible, autant le savoir...
Mais ce que je vois de véritablement nouveau dans cette étude quantitative, ce sont les proportions. Énormes comme dirait le Chauffeur... Inouïes, et qui nous réservent bien des surprises. Vous êtes prêts ? Accrochez-vous ! [Début]
* * *

3. Analyse de l'étude New York Times / comScore
- Le scoop d'Adscriptor

Louise Story nous fournit deux sources chiffrées de l'étude : l'une sur l'article du New York Times, l'autre sur son blog. Or la première chose qui m'a sauté aux yeux, c'est que ces deux sources, fournies par la même personne, divergent !
Sur son blog, une source renvoie au tableau suivant : .../images/2008/03/04/technology/Dec_accesspoints.jpg, où l'on voit clairement que Google a collecté globalement sur le mois de décembre 2007 (uniquement aux US), 1 645 événements par personne !

C'est sans équivoque :

Or dans la source suivante, modifiée, le "score" de Google, à critères identiques, est tombé à seulement 578 événements par personne, soit 1 067 de moins !

Tous les autres chiffres sont inchangés :

Donc la question est la suivante :
Pourquoi en moins d'une semaine (entre le 4 et le 10 mars), le nombre d'événements imputables à Google est-il tombé à 578, chiffre mentionné dans l'article original et repris par les médias du monde entier ?
La réponse coule de source : parce qu'au 10 mars, jour de la publication de l'article sur NYT, Google ne possédait pas encore formellement DoubleClick, puisque l'aval de l'UE n'est arrivé que ... le lendemain !
Donc de toute évidence, la différence nous indique clairement quelle est la part de DoubleClick dans Google !
Mais là n'est pas la seule surprise. Car de même que les chiffres de l'article publié le 10 mars font l'impasse sur DoubleClick, ils ne prennent pas non plus en compte les 180 milliards de pubs servies par Atlas (Microsoft), comme l'indique Louise Story sur son blog (Atlas serves 6 billion ads per day...).
Et, surtout, les statistiques mentionnées dans NYT et reprises en boucle partout sur le Net ne correspondent pas aux chiffres des tableaux. [Début]
* * *

4. Analyse des écarts chiffres/tableaux
Voici d'abord les principaux chiffres fournis :
  • sur le mois, Yahoo! engrange 2 520 données uniques par visiteur et se classe en tête loin devant ses concurrents, Google arrivant en quatrième position (derrière MySpace et Fox Interactive Media) avec "seulement" 578 données ;
  • 110 milliards d’événements uniquement sur les propriétés de Yahoo! (hors régie publicitaire étendue), soit 811 infos par utilisateur ;
  • 336 milliards d’événements de données collectées uniquement sur les sites propriétaires (hors régie publicitaire étendue) des 5 premiers, que sont Yahoo!, Google, Microsoft, AOL et MySpace.
Or aucun de ces chiffres ne résiste à l'examen détaillé des tableaux !
Que j'ai réunis en un seul pour les besoins de mon exposé :

  1. la ligne 2 indique la version du 4 mars incluant DoubleClick ;
  2. la ligne 3, surlignée en jaune, correspond à la version publiée sur NYT le 10 mars ;
  3. sur les lignes 2 et 3, la partie de droite correspondant à ligne 2 non surlignée / ligne 3 surlignée indique les chiffres qui n'ont pas changé entre les deux versions ;
  4. ceux qui ont changé en ligne 2 sont graissés et correspondent à l'écart DoubleClick / Google ;
  5. la colonne 3 surlignée a été ajoutée dans la version du 10 mars.

Analyse
  • Le chiffre 2 520 est donné en divisant la valeur en colonne 2 (Événements de collecte des données sur les sites Web + événements potentiels de collecte des données sur les réseaux publicitaires) par celle en colonne 9 (Total de visiteurs uniques), soit 399 544 000 000 / 158 573 000 = 2520.
  • Logiquement, les 811 infos par utilisateur annoncées devraient donc résulter de la division (valeur colonne 3) par (valeur colonne 9), mais il n'en est rien : 110 767 000 000 / 158 573 000 = 699, soit 112 de moins. D'où sort donc cette valeur de 811 ? Selon ValleyWag, ce serait le nombre de fois où Yahoo aura été informé du code postal de chaque internaute américain visitant ses sites en décembre 2007.
  • Idem pour les 336 milliards, censés être la somme des lignes 1, 3, 4, 6 et 8 en colonne 3. Résultat réel : 327 598 000 000, soit 8 402 000 000 événements de moins que les 336 milliards annoncés !
Donc, globalement, ça ne remet pas en cause le travail considérable fourni pour réaliser l'étude, mais je m'étonne que des résultats aussi fantaisistes aient fait le tour de l'Internet sans que personne, à ma connaissance, n'ait constaté qu'ils étaient pour le moins bizarres. Car soit ils sont vrais et les tableaux sont faux, soit les tableaux sont vrais et les chiffres sont faux. De deux choses, l'une !
Encore un cas d'école pour Gilles Bruno. Et non, l'asymétrie de la crédibilité dans l'information n'est pas morte... [Début]
* * *

5. La part de DoubleClick dans Google / La part de Yahoo! dans Microsoft
Donc, nous en arrivons maintenant à l'analyse des parts respectives de DoubleClick dans Google et de Yahoo! dans Microsoft.
A. La part de DoubleClick dans Google représente pour Mountain View un gain supérieur à 64,8%, déterminant dans les affichages publicitaires et les données collectées en conséquence :
  • 168,364 milliards d’événements de données collectées en + sur le réseau global (sites propriétaires + régie publicitaire étendue) (soit 64,89% pour DoubleClick, contre 35,11% à Google seul) ;
  • 1 067 événements de données collectées en + par personne (soit 64,86% pour DoubleClick, contre 35,14% à Google seul).
B. La part de Yahoo! dans Microsoft est encore plus décisive, puisqu’elle représente pour Redmond un gain allant des 3/4 dans les données collectées à près de 100% dans les affichages publicitaires !
  • 348,204 milliards d’événements de données collectées en + sur le réseau global (sites propriétaires + régie publicitaire étendue) (soit 88,61% pour Yahoo!, contre 11,39% à Microsoft seul) ;
  • dont 283,426 milliards d’affichages plubicitaires en + en régie étendue (soit 98,18% pour Yahoo!, contre 1,82% à Microsoft seul) ;
  • 2 165 événements de données collectées en + par personne (soit 75,3% pour pour Yahoo!, contre 24,7% à Microsoft seul).
Pas besoin de longs commentaires pour saisir combien sont substantiels les avantages, autant pour Google que pour Microsoft. [Début]
* * *

6. Comparaison Microsoft + Yahoo! / Google + Doubleclick

C'est là que les athéniens s'atteignirent !
À part la recherche et la vidéo, où l’avantage de Google est net avec respectivement +53,58% et +84,29%, aux États-Unis, toutes les moyennes mensuelles sont en faveur du conglomérat Microsoft + Yahoo!
  1. +42,46% d’événements de collecte données sur le réseau (sites propriétaires + régie publicitaire étendue) (avant fusion) ;
  2. +42,78% d’événements de collecte données par personne ;
  3. +96,08% d’affichage d’annonces sur les sites ;
  4. +54,19% en total de pages vues ;
  5. +24,7% d’impressions en régie publicitaire (hors sites propriétaires) ;
  6. +48% de visiteurs uniques ;
  7. + Atlas...
Plus le reste : car s'il est vrai que l'infériorité de Google dans l'affichage publicitaire peut être compensée par sa domination dans la recherche et la vidéo, Microsoft + Yahoo! ont déjà une forte position dominante dans le Webmail et l'IM, sans compter les parts de marché plus que majoritaires de Microsoft dans l'informatique "desktop", les suites bureautiques et la navigation sur le Web (IE 8 à venir).
Vous comprendrez mieux maintenant pourquoi Google s'inquiète d'une part, et pourquoi Microsoft ne renoncera jamais à Yahoo! de l'autre.
Et ce même si Google resterait le plus grand profileur post-fusion, puisqu'en fait il ne s'agit plus d'ajouter 2 520 + 355 (soit un total de 2 875 événements séparés avant fusion), mais de diviser la valeur de la colonne 2 (450 884 000 000) par celle de la colonne 9 (303 248 000), soit 1 487 événements, 158 de moins que Google. Donc, bien que tous ces événements ne soient ni utilisés ni utilisables, il restera toujours de quoi faire pour connaître les petits secrets de l'internaute... [Début]
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7. Conclusion
En revanche moi je m'inquiète pour l'Europe ! Tout ce qui précède se joue dans le pré carré des américains, de même que la gouvernance de l'Internet, les noms de domaines, le cloud computing et bientôt l'Internet des choses, etc.
Donc souhaitons au moins bon vent à Quaero et Theseus dans le Web sémantique, dont l'inventeur du Web tout court, Tim Berners-Lee, nous assure qu'une nouvelle génération de produits pourrait détrôner Google.
Ne reste qu'un petit problème, à mon avis : tous les services innovants dans le Web sémantique, de Twine à Powerset, et la recherche (cf. Searchme), sont encore et toujours ... américains !
Il serait peut-être temps de créer des alternatives, ou non ? Dites-moi si je me trompe. :-) [Début]

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jeudi 13 mars 2008

Adscriptor - Cinq choses importantes

Adscriptor - Cinq choses importantes

Guillaume Narvic me passe le flambeau pour narrer cinq choses sans importance à mon sujet, or en ce moment mon esprit est totalement accaparé par toute une série d'événements qui me prennent la tête, comme on dit si justement.

Ça fait comme une chape qui me comprime le crâne sans répit. Donc je me dis qu'après tout, en parler me libérera peut-être un peu le cerveau.

1. Il y a des moments où je n'ai plus envie d'écrire sur Adscriptor. Ce désintérêt est dû en partie à la rareté des commentaires sur ce blog. Presque 400 billets et aucun n'a jamais recueilli plus de 20 commentaires. D'où le sentiment diffus d'écrire le plus souvent pour les moteurs, qui sont incapables de dialoguer, ces cons ! De quoi éprouver aussi une certaine envie pour des blogueurs tels que Maître Eolas ou Laurent Gloaguen, dont les billets pulvérisent régulièrement le seuil des 100 commentaires (Beppe Grillo, lui, dépasse souvent les 1000...) ! Quant aux interrogations stériles de Mediapart, laissons-les à leur vacuité.
Et en partie au trop-plein de boulot qui fait que les priorités sont autres.

2. Il y a une autre raison, paradoxale, c'est que tout m'intéresse. Je m'informe sur tout, et j'ai envie d'écrire sur tout. Ou presque. Tous les sujets, tous les domaines. Notamment les noms de domaine. Donc au passage permettez-moi de saluer l'apparition d'un forum dédié, Domaineur.com. Résultat : j'ai plein d'idées de billets chaque jour, tout en sachant que pour un billet écrit, il y en a dix qui ne verront jamais le jour. Par manque de temps. Voilà pourquoi je me sens souvent découragé, et impuissant, face à l'ampleur de la tâche.
Seule la poésie pourrait me soulager, mais voici des années que la veine est épuisée.

3. Je m'inquiète chaque jour davantage d'une certaine mentalité procédurière à outrance dont font preuve certains de mes conpatriotes (orthographe délibérée), dont la fréquence augmente régulièrement et dont la légitimité des motivations m'échappent de plus en plus : économiques certes, destinées à faire peur, c'est évident, "légales", probablement, mais en aucun cas "justes". Tantôt c'est DatingWatch, tantôt lespipoles, une fois c'est la Web réputation, l'autre les entreprenautes, aujourd'hui c'est Presse-citron, et demain ?...
Faudrait peut-être revenir à la tradition avisée des sommations d'usage.

4. Il y autre chose qui m'inquiète encore plus, c'est la situation en Italie, où je suis intimement convaincu que, depuis Mussolini, en passant par la Démocratie chrétienne et Craxi (les initiés comprendront), personne n'a jamais fait autant de mal à ce pays que Silvio Berlusconi. Qui a toutes les chances d'être réélu une troisième fois Président du Conseil des Ministres dans environ un mois... Nous sommes donc à la veille d'en reprendre pour cinq ans, de force et non de gré, car comme le dit un représentant de sa propre majorité : Berlusconi est ce qu'il est, mais on n'a que lui ! Or de fait, en l'état actuel des choses, je ne vois aucune alternative possible ni crédible. Même si j'aimerais bien me tromper...
Ceci dit, je lui réserve un billet de mon cru, ad personam, en vue de sa réélection aussi triste que probable.

5. Enfin, cette année marque un tournant décisif dans ma vie professionnelle, avec de nombreux projets en cours qui me passionnent, du lancement imminent de Translation 2.0 Open Project avec Primoscrib à la création de marques avec Quensis...
Les priorités dont je vous parlais au point 1. :-)

En conclusion, que Narvic m'excuse si je m'écarte un peu du but original de la chaîne des choses sans importance, mais je ne me sens pas la fantaisie d'imposer le boulet de mes digressions à qui que ce soit. Et si quelqu'un tient absolument à reprendre une chaîne...


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P.S. @ Narvic, réflexion incidente : perso je crois qu'il me reste encore tout un tas de choses à transmettre... (notamment à mon fils ;-)

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